La soupe aux orties
Pièce de Roger Défossez
Montée par Xavier Lemaire
Avec Eric Aubrahn , Olivier Denizet , Laurent Collard , Philippe Bozo
, Roger Défossez , Emmanuel Carlier , Daphné de
Quatrebarbes , René Remblier
« Les prisonniers de guerre ont droit au respect de leur personnalité
et de leur honneur. Les femmes seront traitées avec tous les égards
dus à leur sexe. Les prisonniers conservent leur pleine capacité
civile... » Convention de Genève - Article 3
La pièce
Nous sommes fin 1943, en Allemagne, dans un camp de prisonniers, à l’intérieur d’une baraque où vivent six français… Il y a Lucas dit "Riri" 35 ans, marié, ouvrier ; Pasteur dit "Le toubib" 30 ans, marié, pharmacien ; Boijoli dit "Jean Phil" parce qu’il est homosexuel, 25 ans, célibataire, coiffeur ; Prudent dit "Pépé", 50 ans, marié, un enfant, gardien de square, c’est le chef de chambrée ; Maréchal dit "Le pion", 40 ans, marié, instituteur ; Vogel dit "L’oiseau", 30 ans, célibataire, tapissier et malheureusement pour cette époque, il est juif. Et puis ils côtoient deux allemands ; Otto dit "Ottomate" parce qu’il mate tout le temps, 55 ans, réserviste gardien du Stalag et Frida, 35 ans, veuve, fermière.
Tous ces personnages vont vivre des histoires croisées où ils
vont nous révéler leurs secrets, leurs peurs, leurs fantasmes,
où la dureté de leurs existences sera le ciment d’une solide
camaraderie et d’une belle foi en la vie…
Un hommage aux prisonniers:
1.500.000 Français ont été prisonniers en Allemagne durant
la guerre de 39-45. C’est grâce à la fraternité et
à l’humour qui régnait dans les camps qu’ils ont pu
supporter leur captivité.
Aujourd’hui, soixante ans après, alors que la France et l’Allemagne
se sont réconciliées, il n’est plus l’heure de gémir.
Cette comédie rend hommage à ces hommes, dignes du plus grand
respect.
Roger Défossez
Un spectacle / une époque
Dans mon enfance j’ai été bercé par les récits
de guerre de mon grand père. Oh, il n’y avait pas de combats, de
morts, et d’actes héroïques mais plutôt les anecdotes
de ce qu’il appelait "sa captivité". Ca sentait la camaraderie,
ça parlait de boches, de schleus, la bouffe ou plutôt la non-bouffe
revenait souvent dans sa bouche ! Et puis toujours ce regard et cette voix
pénétrante, cet accent particulier lorsqu’il évoquait
ce temps passé.
Quelques années plus tard, alors que j’étais jeune homme
et peu de temps avant sa mort, à propos d’une dispute familiale
sans intérêt, je lâchais cette phrase anodine : "tu
sais grand-père j’ai 26 ans, je ne suis plus un enfant !".
"Je le sais" me répondit-il, "à ton âge j’étais
à la guerre, en captivité". Je me suis tu alors et j’ai
mesuré la vie tracée…
Depuis ce moment je me suis fixé pour objectif de faire un jour un spectacle
à la mémoire de ces hommes, héros malgré eux et
patrimoine de notre inconscient collectif. Le temps passe, je ne sais pas écrire
mais l’idée est tenace !
Durant le dernier Avignon, Roger Défossez auteur de la pièce Caserio
Anarchiste que je mettais en scène, s’interroge sur le devenir
de notre relation auteur/metteur en scène. Appréciant énormément
son écriture et l’homme qu’il est, je lui glisse cette idée :
"et si tu écrivais une pièce sur les stalags, une vrai pièce
de troupe, pleine de vie où l’on ne se lamente pas sur le sort
de ces hommes mais où l’envie de la vie nous ravit !".
Immédiatement l’idée le transporte ! Lui aussi a les
souvenirs de son père, il a même vécu cette époque…
Six mois plus tard, il me remet le manuscrit de La Soupe aux Orties. Nous faisons
une lecture et c’est l’enchantement ! J’aime cette pièce
de troupe : il y a huit rôles merveilleux qui se croisent et s’entrecroisent
laissant aux acteurs qui vont les interpréter un travail génial
d’incarnation où les émotions bercent entre le généreux
et le brutal, l’essentiel et l’anodin, le sombre et le brillant.
C’est une pièce où le drame sert la comédie où
les histoires parallèles de chaque personnage, comme une toile impressionniste,
ouvre notre imaginaire sur notre intime quotidien, où le thème
général rassemble un large public (qui n’a pas connu d’histoire
de prisonniers). Et pourtant c’est, à ma connaissance, la première
pièce qui traite du sort des prisonniers français pendant la seconde
guerre mondiale !
Alors pour le metteur en scène que je suis, je brûle d’impatience
de m’atteler à cette œuvre. La tâche est complexe car
dans La Soupe aux Orties il y a de vrais scènes d’émotion,
de grandes scènes de music-hall, de pures scènes de comédie,
et puis une ambiance, un groupe à créer et enfin toujours chercher
la magie, la poésie et les silences de ces tristes années sans
espérance…
Xavier Lemaire